Vaux-le-Vicomte (château) - cours

Ce joyau du patrimoine français qui préfigura le classicisme de Versailles est classé monument historique depuis 1875 et ouvert au public pour la 1re fois en 1968. C'est aujourd'hui la plus importante propriété privée de France. Situé sur le territoire de Maincy (dans le canton de Melun), Vaux-le-Vicomte est la 5e destination touristique de Seine-et-Marne avec 0,26 million de visites par an (en 2008).

L'histoire de Vaux-le-Vicomte est intimement liée à celle de Nicolas Fouquet, à l'esprit cultivé, qui avait le goût des belles choses et l'art de s'entourer des meilleurs artistes.

Il acheta en 1641 cette seigneurie (qui ne ressemblait en rien au château actuel) et se fit appeler vicomte de Vaux. Il fit raser l'ancien château et le village de Vaux, araser les collines, et dégagea ainsi plusieurs centaines d'hectares.

Il fit appel à l'architecte Louis Le Vau, au peintre-décorateur Charles Le Brun, à l'architecte-paysagiste André le Nôtre et au maître maçon Michel Villedo pour bâtir un château qui atteste sa réussite : ce chef-d'œuvre architectural que l'on connaît aujourd'hui.

Les travaux durèrent 8 ans, entre les premiers travaux d'adduction d'eau en 1653 et la fête grandiose du 17 août 1661 organisée par son talentueux maître d'hôtel François Vatel, avec souper (dans de luxueux couverts en vermeil), la première comédie 'Les Fâcheux' de Molière accompagnée d'un ballet sur une musique de Lulli - compositeur préféré de Louis XIV - et donnée dans les jardins, distribution de diamants aux dames puis feux d'artifice au programme des réjouissances.

Cette fête était destinée à éblouir l'invité d'honneur, Louis XIV, qui avait formulé le désir d'en voir les derniers embellissements et qui était accompagné de sa cour, soit près de 600 courtisans à servir, et pas moins de 3 000 personnes venues admirer les jardins... Mais Fouquet ne se doutait pas que le roi était en fait venu dans l'intention de l'arrêter... Pour bien comprendre, petit retour en arrière :

En 1653, le Premier ministre, le cardinal Mazarin, nomma Nicolas Fouquet, alors déjà en pleine ascension, surintendant des finances afin de renflouer le trésor royal qui avait fait banqueroute. Par la confiance qu'il inspirait, il réussit à faire réapparaître l'épargne en garantissant sur sa fortune personnelle chaque emprunt négocié pour le compte du roi, destiné à financer les fêtes de la Cour et satisfaire les exigences de Mazarin. Et même s'il prêtait de l'argent à l'Etat à un taux usuraire, c'est bien lui qui a renfloué les caisses royales.

A la mort de Mazarin en mars 1661, Fouquet, dont la devise était 'Quo non ascendet ?' ('Jusqu'où ne montera-t-il pas?') se doutait que sa réussite et sa fidélité au roi le désigneraient comme successeur à ce titre de Premier ministre.

Mais l'austère et ambitieux Colbert, qui gérait la fortune du cardinal de Mazarin (la plus grosse du royaume), était particulièrement jaloux de la réussite de Fouquet : Colbert rédigea en 1659 un mémoire sur les malversations de Fouquet en indiquant que moins de 50% des impôts collectés arrivaient au roi. Il insinua dans l'esprit de Louis XIV toutes les raisons de se méfier de lui, n'hésitant pas à le calomnier en faisant croire qu'il était à la tête d'un complot susceptible de contester le pouvoir, en détournant sur lui les soupçons de malhonnêteté dans ses combinaisons financières etc. Louis XIV qui voulait régner sans partage supprima cette fonction de Premier ministre.

Et donc, devant cette demeure plus luxueuse que son palais du Louvre, aux allégories désignant Fouquet (que tout le monde appelait 'Monseigneur'), devant ce jardin magique plein de surprises, le luxe tapageur de cette fête royale que Louis XIV ne pouvait même pas s'offrir, devant tout ce faste élevant Fouquet à son apogée et éclipsant le Roi-Soleil, Louis XIV se sentit humilié, et plus que jamais déterminé à anéantir son tout-puissant surintendant. La Reine-Mère aurait même dissuadé Louis XIV d'arrêter Fouquet immédiatement, pour ne pas enfreindre les règles de l'hospitalité. Le 5 septembre 1661, Louis XIV demanda à d'Artagnan d'arrêter Fouquet. A compter de ce jour, tous les travaux de décoration s'arrêtèrent. Le procès dura 3 ans au cours desquels Fouquet était enfermé à la Bastille. Le procès fut irrégulier, en partie falsifié par Colbert. Fouquet fut jugé coupable -entre autres- du détournement de 11 millions (dont il en reconnut 8), et fut condamné au bannissement. Mais ce jugement trop clément aux yeux de Louis XIV le fit user pour la première fois dans l'histoire de France de son droit de grâce pour aggraver la peine, et le faire emprisonner à vie dans la forteresse de Pignerol, où il y mourut en 1680. De là a pu naître la légende de l'homme au masque de fer...

Juste après le procès, Louis XIV mit le château sous scellés tout en réquisitionnant statues, tapisseries, orangers etc. et fit appel aux mêmes génies artistes Le Nôtre, Le Brun et Le Vau pour édifier le plus beau palais d'Europe : Versailles. Quant à Colbert, il prit en quelque sorte la place de Fouquet, devenant seul 'contrôleur général des finances' (après que Louis XIV eut décidé d'exercer lui-même la fonction de surintendant).

A présent, êtes-vous prêts pour la visite ?

Côté sud, à l'entrée, remarquez ces 8 piliers surmontés de bustes de dieux grecs qui étayent la grille.

Vaux est situé sur une plateforme rectangulaire entourée de douves, élément typique des châteaux féodaux que Fouquet a conservé ici.

Le palais est structuré autour d'une pièce en rotonde surmontée d'une coupole regardant les jardins. Il ne comporte pas d'ailes (contrairement à Versailles) mais seulement des avant-corps côté cour, et des dépendances. Contrairement aux dépendances qui sont construites essentiellement en briques, les façades du château sont construites avec de la pierre blanche (de Creil).

A l'intérieur des anciennes écuries et dépendances du château se trouve aujourd'hui le musée des équipages où l'on peut admirer une collection de carrosses et de voitures à cheval.

Sans plus attendre, venez découvrir l'intérieur du château et laissez-vous éblouir par la féerie et le raffinement du décor : mobiliers, tableaux, peintures, tapisseries sont un enchantement :

Les murs du château sont habillés de tapisseries fabriquées dans la manufacture de Maincy créée par Fouquet et dont Louis XIV s'inspira pour créer plus tard la manufacture des Gobelins (tout en fermant celle de Maincy). Toutes les pièces de réception du palais (situées au rez-de-chaussée) comportent un plafond à voussures richement décorées par Le Brun.

La magnificence du décor luxueux s'allie à de nombreuses innovations : ainsi, Le Vau innove en multipliant les couloirs, créant des appartements indépendants, rendant possible une intimité.

La plus grande originalité du palais se situe sans doute dans ce 'Grand Salon', au centre du château : de forme ovale (ce qui était nouveau à l'époque) et aux larges dimensions (18 mètres de haut, 19 mètres de long et 14 mètres de large), il s'étend sur 2 étages. On peut y admirer 16 termes représentant les signes du zodiaque et les 4 saisons, et au sol un cadran solaire. Ce salon s'ouvre sur les jardins dont il permet d'embrasser l'intégralité. Pièce de réception par excellence, elle accueillit de nombreux banquets lors des prestigieuses fêtes données par Fouquet.

Toujours au rez-de-chaussée, côté jardin se trouvent deux appartements, l’un destiné au roi, et l’autre à Nicolas Fouquet, disposés de part et d'autre du Grand Salon. Le salon d'Hercule, qui est l'antichambre de l'appartement de Fouquet, est peint de scènes représentant Hercule : il est le symbole de la force et de la puissance de Fouquet. La chambre des muses (chambre de Fouquet) est décorée au plafond d'une fresque représentant le triomphe de la Fidélité, allusion à son attachement au roi pendant la Fronde. Elle doit son nom aux 9 muses qui ornent le plafond. Elle jouxte le petit cabinet des jeux.

De l'autre côté du Grand Salon, l'antichambre du roi, la chambre du roi et le cabinet du roi étaient inachevés : les peintures des plafonds manquaient ou ont été réalisées au siècle suivant. La chambre qu'occupait le roi donne sur un bassin ovale où trône une couronne (cf. photo ci-dessus), symbole de l'allégeance de Fouquet à Louis XIV. La bibliothèque de Fouquet, alors la plus importante de France avec 27 000 ouvrages (juste derrière celle de Mazarin avec 40 000 ouvrages) comporte un portrait de Louis XIV au-dessus de la cheminée.

Côté cour, une autre innovation : la salle à manger, jusqu'alors absente des châteaux, les repas se prenant auparavant sur des tables volantes dans les cabinets. Elle est peinte au plafond de 'La paix ramenant l'abondance' par Le Brun, allusion à la Paix des Pyrénées de 1659. Enfin la chambre carrée (chambre rouge), inachevée à l'époque de Fouquet, fut décorée de cinq immenses tapisseries représentant l'histoire de Diane, et comporte, au-dessus de la cheminée, le portrait de Fouquet.

Voici pour le rez-de-chaussée réservé aux salons d'apparat. Au 1er étage se trouvaient l'appartement de Nicolas Fouquet côté cour, et celui de Madame Fouquet, côté jardin : chacun était composé d'une chambre, d'une antichambre et d'un cabinet. C'est au 1er étage que Nicolas Fouquet dormait.

Au sous-sol se situaient les cuisines et la cave.

Le parc qui se développe sur près de 40 hectares est structuré en 3 parties : Il se compose, à l'avant du château d'une cour et d'une avant-cour, puis de l'autre côté du château, le jardin est subdivisé par les canaux.

Montez dans le dôme du château et admirez au passage la magnifique charpente : Car, du haut du dôme, le panorama que vous découvrez vous donne l'impression de régner sur ce domaine et de dominer l'immensité de verdure ; La perspective qui s'offre à vos yeux s'étend sur plus de 3 km...

On comprend aussi le plan de ce jardin qui inaugure l'art des jardins à la française du XVIIe siècle, imposant l'ordre, l'équilibre, la rigueur et la symétrie parfaite à la nature.

En vous promenant par l'allée centrale, admirez la beauté de ces terrasses avec parterres ornés de fleurs et de broderies de buis (cf. photo ci-dessus). Arrêtez-vous un instant sur ces magnifiques statues qui les encadrent. Votre regard est nécessairement attiré par ces bassins, ces fontaines, ces somptueux jets d'eau féeriques. Vous pouvez également emprunter les échappées latérales pour vous approcher des bosquets, des plantations diverses (marronniers, platanes), et rejoindre ainsi la terrasse qui surplombe le 'Confessionnal', grotte qui était un lieu de rendez-vous galant. Et jusqu'à présent invisible surgit enfin le grand canal d'1 km de long !

Car, par cette illusion d'optique dont Le Nôtre a le secret, les grottes que vous apercevez au bout de la perspective semblent s'éloigner au fur et à mesure que vous vous en approchez, pour vous laisser découvrir la vallée qui l'en sépare. Pour cela, plus les éléments d'architecture du jardin sont éloignés du château, plus ils doivent être hauts pour compenser la perspective, et donner l'illusion de réduire ainsi les distances aux yeux des promeneurs. Voilà une illustration du génie de Le Nôtre.